Quand je reçus le dossier d'inscription pour entrer à la Southern Cross University ma motivation présente jusqu'alors avait commencé à s'évaporer mais poussé par mon envie de réussir et de montrer à ma famille qui n'avait jamais cru en moi que je pouvais à la suite de mon frère, entrer moi aussi dans cet établissement, je me plongeais dans cette tonne de paperasse. Une fois le tous rempli à peu près correctement, j'avais fait vérifier mes fautes d'orthographe par ma petite amie de l'époque, j'envoyais le dossier en lettre recommandé à l'université en priant tous les dieux du monde d'être accepté. De toute manière si mon benêt de frangin avait été accepté il était totalement normal et même presque assuré que je le sois moi aussi. Mais malgré cette assurance j'avais quand même des doutes : il arrive souvent que même les meilleurs ne réussissent pas à reconnaître un véritable génie quand celui-ci se présente à eux.

Quelques semaines plus tard, je recevais un courrier me demandant de me présenter pour différents tests et entretiens. J'arrivais là-bas décontracté avec une ferme intention de montrer ce que j'avais dans le ventre. Autour de moi une foule de jeunes qui avaient tous la même envie, être pris. On me fit d'abord passer un oral où devant un jury je devais expliquer pourquoi fallait-il absolument que je reste et que je sois scolarisé ici. Cette étape se déroula sous les meilleurs hospices. Mon verbe un peu brute avait au départ surpris le jury avant d'attirer leur attention. Ainsi quelques heures plus tard, une jeune femme plutôt séduisante aux cheveux châtains clairs m'annonçais ma présélection. Il ne me restait plus qu'une seule et unique petite épreuve : un match de boxe dans l'arène. Je m'étais préparé assez longuement en vue de ce moment et malgré cela, dans les vestiaires, attendant mon tour, mon stress n'avait jamais été aussi fort. Arrivé sur le ring, la panique laissa la place à de l'excitation. En face de moi, mon adversaire, un jeune blond au sourire arrogant cachait tant bien que mal son anxiété. En une poignée de seconde, le combat fut bouclé. L'homme en face de moi, s'étant laissé submerger par le stress, fit de nombreuses erreurs qui en plus de lui coûter la victoire, le mirent au tapis quand dans un moment d'inattention il recevait mon poing en plein milieu de la figure. On me déclara vainqueur et avec cette victoire je rentrais malgré toutes les épreuves au sein de cette prestigieuse école. Enfin.

Dans le coin rouge, un jeune homme prometteur venus tout droit des bas quartiers de Melbourne : Jeffrey The Snake Araaaannsson.

Alors que les spots se braquaient sur moi et que la musique de Slumdog millionnaire retentissait dans la salle, j'avançais tête baisser vers ma destinée, vers ma seul vraie raison de vivre, ma seconde maison le ring. Autour de moi le public m'acclamait ou me critiquait, mais aucun d'entre eux ne restait indifférent. Après voir enlever mon tee shirt, mis le protège dent, je montais sur le ring. Et la seul dans mon coin, un flot de pensées contraire fusait dans ma tête. Des bribes de souvenirs qui me rappelaient qui j'étais et d'où je venais. Des morceaux d'un puzzle géants qui formaient une fois réunis ma vie.

Je me voyais, âgé d'à peine quatre ans sur mon petit vélo de l'époque, un vélo rouge en plastique que j'adorais, poussé par mon père. C'est il me semble l'un des rares souvenirs heureux que j'ai à ses côtés. Mon père était et est encore aujourd'hui un lâche qui sous prétexte qu'il n'arrivait pas à gérer notre famille après la naissance de ma sœur, nous abandonnait un beau matin de janvier. Depuis je ne l'ai que peu vu, quelques week-end, Noël ou vacances scolaires mais c'est tous. Je crois au fond de moi que c'est à cause de ce manque de présence masculine que j'ai dérapé, que j'ai sombré.

Pendant que Jane ma petite sœur réussissait brillamment ces études de médecine, que Harold mon grand-frère devenait lui Basketteur professionnel et qu'Alice ma mère se déchirait au travail pour tenter de nous apporter un train de vie correct, moi je traînais dans les bars, dans les ghettos des bas-fonds de Melbourne à la recherche de quelque chose qui aurait pu me rendre heureux. À l'époque tout ce qui me rendait heureux c'était la souffrance, la violence dans des combats clandestins où j'ai appris la plupart des choses que j'utilise sur le ring . Là-bas, après avoir donné ou m'être pris une bonne raclé je rentrais heureux. Heureux, de mettre donné à fond et d'avoir pu oublié le temps d'une soirée la tristesse et la banalité de mon quotidien.

Et puis elle est arrivée, un véritable rayon de soleil ans le brouillard ambiant qui formait ma vie. Son nom : Lucy, elle est entrée dans ma vie alors que je n'avais que quinze ans, elle m'a aidé à m'en sortir et à chasser mes vieux démons. Ainsi grâce à elle j'ai stoppé les combats clandestins et j'ai repris le chemin de l'école. J'ai même réussi au lycée là où personne n'aurait pu imaginer me voir réussir et sans elle je ne serais jamais entré dans l'université où je suis aujourd'hui, sans elle je ne serais pas ici sur ce ring face à cet homme qui dans quelque minute va devenir ma cible à atteindre, mon objectif à abattre. Mais autour de moi de nos jours, il n'y a plus Lucy, je suis de nouveau célibataire. C'est moi qui l'ai quitté, car elle me rappelait trop ma vie d'avant, je ne suis plus le même homme et ne le serait plus jamais .

Maintenant j'ai des amis, des ennemis aussi et même un rival : Aidan, enfin ce n'est pas encore officiellement mon rival mais à ce que j'ai vu de ses combats c'est le seul qui pourrait réussir à me battre. Un jour viendra où cette question aura sa réponse, un jour viendra où l'on sera face à face.